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Vendredi 16 septembre 2011, partie 2
Nous quittons la plateforme Top of Tyrol après avoir jeté un dernier coup d’œil
aux sommets tyroliens et consulté la carte des chemins de rando du coin.
Nous décidons de nous arrêter à la station Fernau / refuge Dresdner
Hütte à 2.308m d'altitude pour rallier le lac Mutterberger, à 2.483m. Ce
lac, je voulais le voir mais ne pensais pas pouvoir le faire, car je ne
le croyais accessible qu'après une randonnée de 6 à 8 heures. Je
constate avec joie qu'il ne faut "que" 2 heures à partir de la Dresdner
Hütte pour y arriver. Il est 12.00, j'estime que nous arriverons au lac
vers 14.30-15.00 avant d'entamer la descente vers la station Mutterberg
pour y arriver vers 17.00-18.00.
Refuge Dresdner Hütte
La montée est rude,
très très rocailleuse et le soleil tape dur. Mais bizarrement, j'aime
cet état d'effort intense. Nous atteignons un petit lac après 45min de
marche où Maguth m'attend. Notre rythme de marche est très différent: il
marche rapidement mais fait des pauses, je marche plus lentement mais
en continu. Maguth s'occupe aussi de Lucy, toute folle d'être en
promenade non stop.
Nous arrivons au sommet d'une petite crête et
suivons les indications qui nous font redescendre le long d'une route
d'entretien qu'empruntent les 4x4 pour rallier Mutterberg au Top of
Tyrol. Mon cœur saigne à nouveau.
Le sentier bifurque
après 20 min de descente ardue le long de cette route. J'ai mal aux pieds, mes
chaussures de marche basses étant étroites au niveau des orteils, mon
petit orteil vient s'écraser contre les parois de la chaussure à chaque
pas descendant. Je regrette aussi de ne pas avoir pris mes chaussures de
marche hautes car mes chevilles sont en train de morfler, mais depuis
ma mésaventure aux Lofoten en Norvège en 2006 (cheville droite très sérieusement
foulée suite à une glissage sur une plaque de verglas invisible, et ce
dès l'arrivée), ces chaussures me font mal à la cheville droite
justement. Quand on dit qu'en rando en montagne, les descentes sont
souvent pires que les montées, c'est la vérité vraie les amis.
Nous
nous octroyons une pause sur un banc très intelligemment placé face
une petite cascade et mangeons des biscuits avant de reprendre la route.
Le chemin que nous voyons alors longe le versant d'une montagne. Les
flèches indicatrices mentionnent 1heure de marche encore avant
d'atteindre le lac.
Le sentier le long de ce versant de
montagne est plus aisé, mais difficile pour moi à cause à nouveau de
cette saloperie de vertige qui me prend les tripes sans raison ni
logique. Je prend de profondes inspirations et me dis que je suis un
Klingon qui n'a peur de rien. Je ne suis sûre d'aucun de mes pas et
m'aide beaucoup de mes mains. Je bénis Maguth de s'occuper de Lucy, je
n'aurais pas pu la tenir et continuer en même temps. Pour certains
passages particulièrement rocailleux, je le vois même porter la
Poupouille, car avec ses pattes fines, elle pourrait facilement se les
casser. Cet homme est un Dieu.
La vue est belle, malgré
la route d'entretien. On aperçoit Mutterberg en bas, l'arrière du
glacier, et les montagnes aux versants de conifères.
La
dernière montée vers le lac, que je sens proche, est la plus dure,
quand enfin je le vois. Petite déception. Je ne saurais vraiment dire
pourquoi. Peut-être parce que le lieu est vraiment très rocailleux et
donc très dépouillé. Je ne sais trop à quoi je m'attendais. Peut-être
que ma vision des montagnes européennes a été trop influencée par celle
des Rockies où nous étions en 2005. Tout y est plus grand, plus beau,
plus sauvage. Serais-je devenue trop élitiste point de vue montagne?
Quoi
qu'il en soit, le lieu est paisible. J'en profite pour tremper mes
pattes meurtries dans l'eau glacée et Lucy lape l'eau d'un lac de
montagne pour la première fois. Nous restons sur place une petite
demi-heure. Il est 14.45, il m'a fallut 2h45 pour atteindre le lac, en
comptant les pauses photo et bouffe (et un petit pipi).
Photo panoramique pris avec mon gsm, d'où l'image moins nette
Le
panneau indicateur nous informe qu'il nous faudra 2 heures pour
redescendre vers Mutterberg. Nous y serons donc vers 17.30-18.00, comme
je l'avais prévu. Au détour du chemin, un paysage fantastique s'offre à
nous: ce qui ressemble à une sorte de ruisseau sinueux est en fait un
lac parsemé de lentilles d'eau de montagne ou autres végétaux aquatiques flottants. Voilà l'émotion que je
voulais trouver. Je mitraille à tout va pendant que Maguth descend
inexorablement.
La descente est ardue sur une portion
du sentier, casse-gueule même parfois, la roche étant recouverte de boue
et d'eau. Moi qui ai perdu tout sens de l'équilibre et de confiance en
mes pieds depuis cette maudite chute aux Lofoten, je dois prendre sur
moi et tenter de moins réfléchir au risque de ne plus avancer. La vue du
chemin parcouru me rend fière par contre: j'ai vu le lac que je pensais
inaccessible et malgré mon manque d’exercice, j'arrive à avancer sans
trop de peine, même si j'halète comme un carlin asthmatique et que mes
cuisses me traitent de tous les noms.
Parti de la croix à gauche, nous avons contourné la montagne pour redescendre sur le chemin d'entretien pour ensuite remonter à flanc de colline.
A mi-chemin, le
sentier de rando devient moins pénible. Nous sommes dans un paysage
ressemblant presque à la Provence d'après Maguth, et franchissons quelques menues cascades.
Alors que j'appelle
Maguth, assis dans l'herbe à m'attendre, pour lui dire à quel point je
me trouve lente, je le vois tourner la tête vers moi avant de tout à
coup se jeter au sol en criant. Arrivée près de lui, il me dit "j'm'suis coincé un truc!"
avant de se tordre de douleur sur le sol. Impuissante, énervée,
apeurée, je lui crie dessus et lui dit de rester là, que je vais aller
chercher du secours le plus vite possible (genre...). Il me dit non,
semble se calmer, se relève et marche avant de s'écrouler à nouveau 10m
plus loin, le souffle court. Le chemin d'entretien est à peine à
quelques centaines de mètres, et la station Mutterberg est à portée de
vue. J'estime qu'il nous reste 20min de marche avant de rejoindre la
voiture mais ne sais si lui pourra y résister. Refusant toute tentative
de ma part d'aller chercher du secours, il se relève, sert les dents et
avance d'un pas constant, se retourne et me dit dans un chuintement: "elle est belle cette petite cascade, non?".
J'ai envie de lui dire que j'en ai rien à branler de sa cascade de
merde, que je suis super inquiète pour lui mais je me tais et lache un "hu?...".
Je vois bien qu'il souffre le martyr mais il continue. Si moi je suis
un Klingon, lui je sais pas ce qu'il est mais c'est encore plus fort.
Une licorne peut-être?
Le parking est en vue. Je tente
de courir. Mes petits orteils sont à vif et Lucy tire sur sa laisse,
croyant à un jeu. Je balance toutes mes affaires dans le coffre, attache
Lucy à sa ceinture de sécurité à l'arrière et fonce vers Maguth qui
m'avait déjà rattrapée à pied. Même agonisant ce mec marche plus vite
moi. Impossible. C'est un robot.
On fonce vers
Neustift, à la recherche de l'hôpital, qui est en fait une caserne de
pompier. Grâce à notre recherche d'une pharmacie hier pour l'achat d'un
Cold Pack pour Lucy, je sais où se trouve les docteurs. Le temps de
faire la file à l'accueil, d'aller chercher mon portefeuille et de
revenir, Maguth a déjà été pris en charge par un médecin de 2m de haut
(ils sont tous énormes ces autrichiens) moulé dans un jeans blanc. Il
lui explique qu'il a une douleur atroce dans le dos au niveau de la
poitrine et ne peut plus respirer. Station de ski et de rando oblige, le
docteur a des notions d'ostéopathe/kiné et manipule Maguth pour le
soulager. Rien n'y fait. Il me demande alors de sortir et allume son PC.
Ça sent la radio.
Je sors et rejoins Lucy, un peu
stressée, que nous avons laissée seule dans la voiture. Je m'assied sur
un banc avec elle en attendant que Maguth ressorte. Je l'imagine venant
vers moi en respirant un grand coup, me disant que ça y est, ça va
mieux, il n'a plus mal, on repart voir la cascade de Grawa.
Malheureusement,
ce n'est pas Maguth qui sort pour venir me chercher mais l'infirmière
de l'accueil. Je tape Lucy dans la bagnole et cours voir Maguth. Il est
assis sur la table d'auscultation et le docteur lui place un antidouleur
en baxter. Il me dit qu'il l'envoie à l'hôpital à Innsbruk qui se
trouve à 20min de Neustift en veau parce qu'il ne sait pas ce qu'il a
exactement et ne veut prendre aucun risque. Maguth me dit que c'est
peut-être une hernie discale. Je pense opération. Mon monde s'écroule.
Les larmes se bousculent dans mes yeux. Il me dit de prendre Lucy et de
l'attendre à la B&B, qu'il me téléphonera pour me tenir au
courant mais que ça ne vaut pas la peine de venir avec lui. La réalité
reprend sa place, je dois aller payer la consultation à l'accueil. Ma
carte bancaire ne marche pas, je paye en cash, balançant les billets à
l'infirmière alors que l'ambulance arrive. Ils l'emmènent et cette
imbécile d'infirmière prend son temps pour me rendre la monnaie, plier
la facture et me la mettre dans une enveloppe. J'ai envie de hurler et
de lui arracher les yeux. Je cours voir Maguth. Ses pupilles sont
dilatées et il plaisante. Il a moins mal. je me dis que l'antidouleur
qu'on lui a donné doit être balaise. Je ne peux pas laisser Lucy seule
dans la voiture sans savoir quand on reviendra donc je suis obligée de
le laisser seul, lui. Il me rassure, me dit que ça ira et qu'il me
téléphonera.
Ils partent. Je monte dans la voiture et laisse échapper un sanglot avant de me reprendre. Je rentre à la B&B.
Je prend une douche car je ne suis pas fraîche après 6 heures de marche.
Je fais les sacs au cas où on devrait partir le lendemain, si il doit
se faire rapatrier, ou encore hospitaliser à Innsbruk. Je range et
retire 5 fois les vêtements, pense à annuler l'hôtel de dimanche, à trouver un hôtel près de l'hôpital à Innsbruk, à téléphoner à ma mère.
Mon gsm sonne. C'est lui. Il vient d'arriver, il va
passer d'autres
tests et a eu sa firme au téléphone, l'assurance couvrira tout, y
compris les 250€ du docteur privé et l'ambulance à 200€. La batterie de
son gsm est à plat alors il va le couper pour pouvoir me retéléphoner
quand il aura les résultats. Il est calme, moi pas. Il me dit de ne rien
annuler et d'attendre un peu. Un robot licorne
j'vous dis. Il raccroche et je me retrouve là, assise sur le bord d'un
lit mou dans une chambre étrangère dans un pays étranger, avec un chien
qui roupille et moi toute seule. Je craque. Entre deux crises de larmes
je me dis que je devrais manger quelque chose car je n'ai rien dans le
ventre depuis ce matin presque. Chasser le naturel il revient au galop.
Je me force à avaler un biscuit. J'attends 30 min puis je lui téléphone.
Répondeur. Je me fais des films abominables dans la tête et passe du stade bouhou-ouiouin au stade chuis forte j'ai été aux States quand j'avais 21 ans sans rien savoir de l'endroit où j'allais alors je peux survivre à ça.
Je retéléphone 10 minutes plus tard et il décroche! Il prononce les mots
magiques: tu peux venir me chercher s'il te plait? Je saute, je bondis,
je jette Lucy qui en peut plus dans la bagnole, direction Innsbruk. Il
est 20.00 et l'autoroute est blindée de camions, je déteste ça. Après
avoir tourné en rond pour le trouver car il était toujours dans
l'enceinte de l'hôpital, je récupère la deuxième moitié de mon cœur et
nous retournons à la B&B après avoir acheté des sandwiches énormes à
un Subway du coin. Pour éviter le péage, nous suivons une petite route
de montagne qui nous offre une vue splendide sur Innsbruk illuminée de
nuit, en presque pleine lune. La ville semble très jeune et bouge
beaucoup, c'est vendredi soir et les pèpèttes sont de sortie.
Je dors très mal cette nuit-là...
Bon, et sinon, il a eu quoi exactement? Et bien d'après les
médecins autrichiens, il se serait coincé un faisceau de nerfs entre une
côte et sa colonne en se retournant. Rien de grave, mais ça fait très
mal et ça va faire mal pendant encore quelques semaines. A ce jour, il a
toujours très mal et a déjà été chez son ostéo qui confirme le
diagnostique. Les nerfs étant enflammés, la douleur persiste. Il a
rendez-vous encore ce vendredi 23 pour voir comment la chose évolue. J'espère que la douleur cessera vite, il prend clairement sur lui et ça me fait mal.
Mais bon, après tout, c'est une licorne robot...
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